Elio Di Rupo, Belgium, PS, SI Vice-President

Meeting of the SI Council in Santo Domingo, 28-29 January 2019

 

Chères Amies, Chers Amis,

Tout d’abord, je tiens à saluer notre Président George Papandreou et notre secrétaire général, Luis Ayala.

Je tiens aussi à vous saluer toutes et tous car chaque représentant ici est moteur du dynamisme de l’Internationale socialiste.

 

Luis m’a demandé de traiter de la démocratie et des libertés.

Je le fais avec plaisir et conviction car je crois que la démocratie et les libertés sont essentielles.

Je le fais par conviction, car la situation dans le monde est de plus en plus inquiétante et les libertés réelles se réduisent.

 

Mes chers Amis,

Nous, les socialistes, nous savons qu’instaurer la démocratie, la vraie liberté, la solidarité, a été et reste un long chemin chaotique.

Avant d’y parvenir, nous avons été attaqués, combattus, dénigrés.

Dans bon nombre de pays d’Europe et du monde, des socialistes ont même subi la violence et la détention arbitraire.

Nous avons donc une certaine expérience de l’adversité.

Aujourd’hui, l’adversité prend de nouvelles formes.

De plus en plus souvent, ce n’est pas seulement contre des gouvernements ou des intérêts privés que nous devons nous battre.

Nous devons désormais nous battre contre des populismes et contre les formations d’extrême droite.

 

Mes chers Amis,

Un très grand nombre de citoyens à travers le monde sont dans le désarroi.

Ils se sentent perdus et beaucoup ont le sentiment d’être grugés.

L’une des principales causes de ce désarroi se situe dans le modèle économique et financier qu’on nous a imposé.

Celui de la globalisation de l’économie et de la finance.

Ce modèle, d’inspiration ultralibérale, méprise les travailleurs, l’environnement et la solidarité.

De grands théoriciens libéraux nous avaient annoncé, rien de moins, que la prospérité généralisée et la paix mondiale.

Tout cela grâce au commerce dérégulé et à l’abolition des frontières économiques.

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on est très loin du compte.

Aujourd’hui, seuls quelques-uns sortent gagnants de cette globalisation néolibérale.

Mais la plupart des citoyens en sortent perdants, exploités, parfois dépossédés.

Il va de soi que les socialistes sont favorables aux échanges internationaux et aux progrès technologiques.

Mais la globalisation actuelle se situe aux antipodes de notre internationalisme progressiste.

Elle a été réalisée sans convergences fiscales, environnementales ou sociales.

Chaque jour, l’humanité subit les conséquences néfastes de cette globalisation ultralibérale.

Une globalisation ultralibérale sans cœur, sans légitimité et sans égard pour notre environnement.

 

Mes chers Amis,

Dans le désarroi, les citoyens accusent tous les élus, dont les socialistes, d’avoir été complices de leurs malheurs.

Ils sont désarçonnés face à la complexité du monde.

Ils veulent des solutions simples, des changements spectaculaires et immédiats.

Et, ils sont dès lors très réceptifs aux messages simplistes des populistes et de l’extrême droite.

Et, ils se laissent ainsi, facilement, séduire par les démagogues et les extrémistes.

Bien sûr, en agissant de la sorte, ces citoyens déçus renforcent ceux qui les exploitent.

Ils favorisent l’instauration de régimes autoritaires qui, très rapidement, réduisent leurs propres libertés individuelles.

Mais, ils n’en ont pas conscience.

 

La force des populistes et de l’extrême droite, c’est d’entraîner les foules dans des aventures politiques, sans que ces foules ne s’en rendent compte.

Les Trump, Bolsonaro, Orban ou encore Salvini ont très bien compris ce mécanisme.

Ils ont réussi à séduire non seulement l’électorat de droite mais aussi un électorat populaire traditionnellement proche de nous.

 

Avec ce soutien populaire, ils sont parvenus à conquérir démocratiquement le pouvoir pour imposer leurs politiques réactionnaires et antisociales.

C'est révoltant, bien sûr.

Mais nous ne pouvons pas nous contenter de le déplorer.

Nous devons réagir.

Nous devons nous remettre en cause.

Remettre en cause ce que les ultralibéraux ont fini par nous faire croire comme naturel.

 

Chers Camarades,

Bon nombre de citoyens nourrissent aussi la peur du migrant.

La peur d’être envahi.

La peur de ne plus être le maître chez soi.

Cette peur est savamment entretenue par les partis et les dirigeants extrémistes.

Ces partis utilisent cette peur du migrant pour diviser les citoyens et surtout pour détourner leur attention des décisions. Ces partis cassent nos droits et nos systèmes de sécurité sociale. Là où ils existent.

 

Cette stratégie a un impact colossal sur l’ensemble de la classe politique traditionnelle.

Car les citoyens qui se laissent séduire par ces populistes et par l’extrême droite accusent le monde politique traditionnel de ne pas avoir tenu compte de leurs aspirations profondes.

Reconnaissons que l’aspiration à la sécurité d’existence, à une vie agréable, a été négligée, voire carrément sacrifiée sur l’autel de la compétitivité.

La compétitivité et la maximisation du profit sont l’alpha et l’oméga de l’idéologie ultralibérale.

Je serais incomplet si je n’évoquais pas d’autres dérives.

Dans certains pays comme le Venezuela, la situation est dramatique pour la population.

Tant par l'attitude du gouvernement que par les sanctions commerciales et autres.

On voit l’empressement de Trump de tirer profit de la situation.

Plusieurs pays européens demandent à Maduro de décider dans les 8 jours de convoquer rapidement des élections. Il faut que ces élections soient libres et contrôlées par la communauté internationale sous l’égide de l’ONU.

Au Nicaragua, l’attitude d’Ortega relève du Tribunal Pénal International !

Je suis heureux que notre Internationale Socialiste s’apprête à exclure son parti, le « Front Sandiniste de Libération Nationale » !

Nous devons envoyer un message clair au monde. Nous ne sommes pas complices de l’attitude d’Ortega.

Je dénonce aussi l’ingérence grandissante des églises évangéliques dans certains pays d’Amérique latine et leur volonté de soutenir des candidats d’extrême droite comme on l’a vu au Brésil.

 

La dégradation de la situation entre Israël et la Palestine est aussi extrêmement préoccupante.

La situation sur place se dégrade aujourd’hui à un point tel qu’elle pourrait empêcher définitivement une solution à deux États à l’avenir.

L’évolution des colonies israéliennes et des infrastructures les reliant complique fortement les perspectives de paix, tant à Jérusalem qu’en Cisjordanie.

Je plaide pour la reconnaissance formelle rapide de l’État de Palestine à côté de l’État d’Israël par l’ensemble des États européens et dans le monde.

Une solution au conflit ne pourra passer qu’au travers de deux États démocratiques et indépendants.

Deux pays ayant le droit de vivre en paix et en sécurité avec des frontières mutuellement reconnues, acceptées et respectées.

Il est indispensable de relancer le processus de paix entre Israël et la Palestine. L’Union européenne devrait sans délais prendre une initiative ambitieuse dans ce sens.

Au sein de l’Internationale Socialiste, nous avons toujours œuvré pour maintenir le dialogue entre nos partis frères des deux parties.

L’Internationale doit continuer à jouer ce rôle d’interlocuteur privilégié pour aider à la paix.

 

Mes chers Amis,

L’histoire semble faite, hélas, de perpétuels recommencements.

Trop souvent, trop rapidement, nous oublions les leçons du passé.

Il ne faut pas grand-chose pour entraîner les peuples dans la barbarie.

On l’a vu en Allemagne il y a 80 ans.

On l’a vu plus récemment en Yougoslavie ou au Rwanda.

On le voit au Yémen.

Quand les choses vont mal, la tentation est grande de rechercher des solutions radicales et des boucs-émissaires.

Aucun pays n’est à l’abri.

L’Autriche, l’Italie, les Philippines, le Brésil sont désormais dirigées par l’extrême-droite.

Et certains pays comme les États-Unis, l’Argentine ou encore mon pays, la Belgique, sont dirigés par une droite dure qui détruit sans état d’âme les conquis sociaux laborieusement obtenus par les socialistes.

Un peu partout, nous observons une montée de l’intolérance, et celle-ci s’accompagne de discours politiques de plus en plus violents.

L’Europe semble également s’éloigner à grands pas de ses traditions de démocratie et de libertés.

Et sur le continent américain, le Brésil vient de basculer dans ce camp de l'intolérance depuis l'élection de Bolsonaro.

Un Bolsonaro qui souhaite le retour de la dictature militaire.

A peine élu, il décide de supprimer le Ministère de la culture puis il court à Davos pour défendre sa vision ultralibérale de l’économie.

Pendant ce temps, Jean Wyllys, député brésilien homosexuel de Rio de Janero, a été gravement menacé.

Il était la figure de la lutte pour les droits des minorités sexuelles au Brésil.

Craignant pour sa vie, il n’a pas eu d’autre choix que celui de l’exil.

 

Chers Amis,

En tant que socialistes, nous sommes peut-être le dernier barrage à cette montée des extrémismes et de l’intolérance.

Nous devons être d’autant plus vigilants et combatifs.

Chaque fois qu’un droit est bafoué, chaque fois qu’une liberté est menacée, nous devons nous dresser et nous opposer.

Les partis autoritaires ont un projet de société bien à eux.

Ils sont avant tout des ennemis des libertés.

Au nom du peuple, sans le dire, ils veulent une pseudo démocratie sans libertés, une pseudo démocratie à leur service.

Sans état d’âme, ils peuvent

interdire l’avortement,

interdire la contraception,

interdire l’homosexualité,

interdire le divorce.

Demain, ils pourraient interdire toute grève et toute action de défense des travailleurs.

Demain, ils pourrraient poursuivre et enfermer des opposants, des caricaturistes, des libres penseurs.

Au nom du peuple, les populistes et l’extrême droite s’attaqueront

aux militants des Droits de l’Homme,

aux intellectuels,

aux avocats,

aux journalistes,

aux syndicalistes.

Viendront ensuite toutes les personnes qui ne plaisent pas aux néoconservateurs.

Cette société-là ressemble à un cauchemar.

C’est pour fuir ce cauchemar que nous devons d’urgence nous réveiller et nous mobiliser.

 

Mes Chers Camarades,

La montée du fascisme, l’histoire nous l’a montré, est rendue possible par la passivité et le silence des démocrates.

 

Comme le disait Martin Luther King, « À la fin, nous ne nous souviendrons pas des mots de nos ennemis, mais du silence de nos amis ».

 

L’heure est au sursaut démocratique.

Nous devons reconquérir le cœur de ceux qui nous ignorent et de la jeunesse.

 

Nous devons dire quelle société nous voulons, et surtout quelle société nous ne voulons pas !

Nous ne voulons pas d’une société de la peur et de la répression ; d’une société où les citoyens doivent se cacher pour vivre leur vie.

Nous voulons au contraire une société ouverte et libre.

Une société

où chaque femme peut disposer librement de son corps,

où chaque travailleur peut défendre ses droits,

où chaque citoyen peut exprimer ses opinions, même si elles dérangent le pouvoir en place.

Disons-le à haute voix : nous voulons toutes nos libertés,

tous nos droits,

tous nos acquis démocratiques.

Cette société est possible.

Les Socialistes regorgent d’idées et de possibilités.

Pedro Sanchez en Espagne, Antonio Costa au Portugal, Alexandra Ocasio-Cortez, prodigieuse jeune élue socialiste américaine, montrent le chemin.

La génération socialiste actuelle doit se battre sans relâche pour que la vie des gens soit agréable et non plus aliénée par le consumérisme irresponsable des ultra-libéraux.

Nous devons nous battre pour que notre planète, aux limites connues, soit préservée et rendue aux prochaines générations dans un état dont nous n’aurons pas à avoir honte.

 

Chers Camarades,

Ici, au cœur de cette Internationale Socialiste qui concentre ce qui se fait de mieux en matière de progressisme, je veux exprimer ma confiance en l’avenir et en notre action politique.

Si nous voulons éviter le retour de la barbarie, nous devons être vigilants et trouver des solutions.

Ces solutions naîtront de notre imagination.

Elles viendront de notre capacité à mettre en œuvre des projets innovants, à la hauteur des défis contemporains.

Les socialistes et les sociaux-démocrates ont toujours réussi, à travers l’Histoire, à se renouveler et à faire face aux nouveaux défis.

Aucune idéologie, aucune solution clé-en-main n’apportera la solution.

La solution, c’est la somme de toutes les actions que nous pouvons entreprendre pour

protéger les plus fragiles,

partager les richesses et

élever le niveau culturel des populations.

 

Mes Chers Camarades,

Soyons le grand mouvement progressiste et démocratique qui impose la justice sociale aux possédants.

Soyons aussi les artisans d’une contre-culture.

Une culture qui tire vers le haut, qui émancipe, qui ouvre les esprits, qui rapproche les individus et les différents peuples du monde.

 

Merci, merci à toutes et tous, pour votre engagement et votre détermination.

Vive la gauche, vive le progrès social !